Déconstruction, Les Bastions, Tournai, 2024

Déconstruction

Comme par ailleurs dans le travail de Blancbec, Déconstruction intrique les références et les couches de lecture. D’abord, le peintre avec son drôle de nom d’oiseau va puiser dans ses souvenirs. Il y a de la nostalgie dans l’allusion au modèle du puzzle à coulisse, moins populaire aujourd’hui qu’hier. Mais Blancbec ne doit pas être le seul à se rappeler avoir fait glisser les petits carrés en plastique de gauche à droite et de bas en haut, pour retrouver une image. Sauf qu’ici, les céramiques ne bougent pas et les pièces du puzzle restent mélangées. Le motif a pourtant été exécuté avec tout le soin que l’artiste accorde à ses peintures marquées par leur veine figurative, une « écriture » géométrique, des couleurs éclatantes et un fini impeccable. Bien qu’obtenue sur le mode aléatoire, la composition presque abstraite a les qualités formelles d’un tableau bien fait. J’aurais peut-être écrit « façon De Sijl ». Mais on reconnaît des yeux et des bouches, ceux et celles de deux fleurs – l’une au sourire radieux, l’autre à la mine morose – qui, dans l’image d’origine, cortègent un Goldorak géant comme il se doit. L’iconique robot de l’espace qui anime les débuts de soirée devant le petit écran à la fin des années 1970 est plus déconstruit que le pont des Trous. Personne ne le voit mais il est bien là. Et la nostalgie aussi, au moins celle de tous ceux qui, enfants à l’époque, se prenaient à rêver de revêtir la combinaison d’Aktarus et de prendre les commandes de sa machine de guerre humanoïde. « Je voulais parler de ruptures visuelles, celles-là qui stimulent la réflexion sur la nature changeante de nos perceptions, de nos connaissances, explique Blancbec. Je suis conscient que l’image n’est pas accessible et que cela interroge les rapports entre ce que l’on voit et ce que l’on cherche à reconnaître. Et puis, l’image recomposée sera accessible via une réalité augmentée. »

Pierre Henrion

Photos : Jules Césure